Pour commencer, une question classique : comment est-ce que tu as découvert le jeu de rôle ?
En 1984, un copain de collège m’a parlé de Donjons & Dragons. Il avait besoin d ‘un coup de main pour acheter des figurines, qu’on pouvait alors se procurer au sous-sol d’une grande librairie lilloise, inaccessible avec son fauteuil roulant. Il a donc dû m’expliquer de quoi il s’agissait, exercice difficile s’il en est. Cela m’a tout de suite plu, sans que je comprenne très bien de quoi il s’agit.
C’était le moment où on commençait à en parler un peu dans la presse, notamment dans Spirou, que je lisais chaque semaine. Je ne lisais pas encore d’heroïc-fantasy, mais j’avais un bon rayon SF dans ma bibliothèque. Pour mes douze ans, j’ai eu la boite rouge – à l’époque, diffusée par France Loisirs ! – et j’ai commencé immédiatement à maîtriser, sans jamais avoir été joueur. Trouver des joueurs n’était pas si simple pour un collégien.
Dans les boutiques et dans les clubs, c’étaient souvent des étudiants, qui n’avaient pas envie d’un gamin de douze ans dans leurs pattes. Si bien que je maîtrisais souvent pour un seul copain, avec une flopée de persos, parfois une douzaine bardés d’armes mais dépourvus de noms, pour affronter les couloirs du B2 et du B3. Ensuite, on est passé à des personnages plus développés, mais furieusement gros-bill, d’autant plus que les règles d’AD&D, dont j’avais pu me procurer des photocopies, étaient en anglais, pleines de pièges et d’obscurités. J’ai très vite commencé à écrire des mondes, des systèmes de jeux, plus que des scénarios d’ailleurs. Mes archives en sont remplies. Le premier jeu que j’ai écrit complet était un jeu de western spaghetti.
Qu’est-ce qui t’a amené à te lancer dans la création d’Epées & Sorcellerie ?
Comme beaucoup de joueurs, j’ai connu le cycle D&D, Vampire (en free-style, sans règles), retour à D&D en version 3.5, lassitude et frustration vis-à-vis de ce système, retour aux classiques. Plus exactement, avant 3.5, j’avais repris une campagne avec la Rules cylopedia, qui avait très bien fonctionné (et dont certains éléments sont intégrés dans les volumes déjà publiés du Dodécaèdre). Puis, j’ai trouvé beaucoup de plaisir à jouer en 3.5, plusieurs campagnes qui fournissent le gros des deux volumes publiés. Mais, arrivé au point de lassitude déçu par la 4e édition dont j’avais espéré qu’elle élaguerait les points les plus pesants j’ai rouvert la Rules Cyclopedia et je me suis aperçu que tout ce qui me posait problème était résolu de manière simple. C’est comme ça que je me suis intéressé à l’OSR.
Je n’avais que de vagues notions de l’histoire de D&D. La découvert d’OD&D, de Chainmail, dont je connaissais juste l’existence, a titillé mon tempérament d’archéologue. Je me suis lancé dans l’étude des strates les plus anciennes, essayé de deviner ce qui revenait à Arneson et à Gygax, en employant des méthodes de critique historique et de stratigraphie archéologique. Puis, je me suis dit qu’il manquait un retroclone accessible en Français. C’est pourquoi je me suis lancé dans Epées & Sorcellerie, en essayant de produire une version claire et jouable d’OD&D intégrant le plus possible d’éléments de venus de Chainmail. Certains points sont contestables : il est loisible à chacun de faire mieux. C’est pour ça que j’ai souhaité qu’Epées & Sorcellerie soit 100% open content, ce qui permet d’écrire d’autres jeux sur cette base. Pour l’instant, le succès est limité : l’OSR francophone, frustrée par l’abondance de matériel non-traduit, est plus préoccupée de traductions que de productions originales, même si les choses commencent à changer. À comparer par exemple aux nombres de jeux de tous styles fondés sur Sword&Wizardry ou sur Labyrinth Lord, par exemple.